Ne plus stigmatiser les Roms – Midi Libre

GUY TRUBUIL, le 10/03/2017

Depuis un an, des associations financées par l’État interviennent auprès des familles.

Leur mission, délicate, complexe, a débuté il y a un an. Financées par des crédits de l’État, trois associations ont été mandatées (*) pour accompagner les familles roms dans leurs démarches auprès des institutions. Cette intervention sur le terrain marque un changement d’approche radical des autorités vis-à-vis d’une population jusqu’alors essentiellement confrontée à une réponse répressive.

Si quelques descentes de la police aux frontières continuent d’avoir lieu sur certains sites, les médiateurs se sont donc engagés dans un patient travail de « déstigmatisation » de ces hommes, femmes et enfants dont certains sont nés à Montpellier.

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 Photo : La ville abrite de véritables bidonvilles (ici près du Zénith), insistent les associations. RICHARD DE HULLESSEN

BIDOUVILLES, PAS CAMPEMENTS

Les mots ont en sens et les associations qui travaillent auprès des familles attachent une importance particulière au vocabulaire utilisé pour parler des lieux où elles vivent. Plutôt que le terme « campement », celui de « bidonville » est ainsi privilégié et mieux approprié à la réalité souvent misérable des sites d’implantation. Le mot renvoie également à ces bidonvilles apparus dans les années 1950 à la lisière de Paris pour accueillir la main-d’œuvre étrangère. L’Aréa et la Cimade observent une similitude entre ces deux migrations et le sort réservée à ses acteurs.

« Notre travail social consiste à relégitimer ces gens. L’un des premiers combats que l’on doit mener est celui-là, leur dire : reprenez confiance en ce que vous êtes », glisse José Lagorce, salarié de l’Aréa (Association recherche éducation action), présente dans le bidonville de la rue du Mas-Rouge et l’un des deux du Zénith sud.

« L’INCONNU NOUS FAIT CROIRE AUX PRÉJUGÉS »

Au quotidien, il s’agit de rétablir les personnes dans leurs droits, auprès de la Caf, de Pôle emploi… « Il y a des freins institutionnels très forts d’accès aux droits. Et cette problématique est renforcée par l’image que l’on se fait des Roms », reprennent Catherine Vassaux, la responsable de l’association, et José Lagorce.

« C’est l’inconnu qui nous fait croire aux préjugés », relèvent Clara Pichon et Cassandre Michaux, médiatrices sur les sites de Sanofi et Bonnier de la Mosson pour la Cimade. Les deux jeunes femmes observent « une volonté forte de s’en sortir, de travailler » mais soulignent aussi les difficultés des uns et des autres à entreprendre des démarches administratives parfois longues. « C’est du temps qu’ils doivent prendre sur leurs activités de subsistance. »

« La majorité des gens bossent. Nous ne faisons pas d’angélisme par rapport à certains comportements mais quand je vais au bidonville, je vois des gens qui sont debout à 5 h du matin, qui rentrent chez eux à midi », témoigne José Lagorce. Les travailleurs sociaux insistent sur la nécessité d’intervenir sur « un temps long », de façon « transversale » avec les acteurs de la santé, du logement, auprès de familles qui n’ont pas toutes le même parcours, des origines et un niveau social identiques mais qui ont « investi sur nous ».

TRAJECTOIRES POSITIVES

« L’objectif de certains est de retourner dans leur pays. Pour d’autres, avec l’insertion professionnelle, la scolarisation des enfants, les lignes bougent. Ces gens évoluent, comme tous les migrants. Certains, d’origine rom, vivent dans des appartements mais on ne les voit pas. »

Des trajectoires, récentes et certes encore rares, démontrent que les objectifs d’insertion n’ont rien d’illusoires contrairement à un autre cliché véhiculé. Il y a celle de cette jeune femme, soignée pour une maladie grave pendant plusieurs mois et qui vient de signer un contrat à durée indéterminée dans une société d’entretien.

UN HABITAT PLUS DÉCENT

« Une autre femme, mère célibataire de trois enfants, a été embauchée dans l’hôtellerie comme chef femme de chambre. Elle a commencé par des petits boulots pendant lesquels elle a appris le français et elle a ensuite intégré l’école de la deuxième chance », indique Catherine Vassaux.

Selon l’Aréa, qui pilote également l’observatoire des bidonvilles dans l’Hérault, environ 20 % des occupants souhaiteraient accéder à un habitat plus décent… si seulement des logements étaient disponibles.

(*) Aréa, 2Choses lune et la Cimade.

PRÉSENCE

Les premières familles sont arrivées de Roumanie il y a une dizaine d’années. Un important bidonville s’élèvera notamment en bordure du Lez, à proximité du futur chantier de l’actuelle mairie. Un site « historique » progressivement repoussé puis avalé par l’urbanisation en cours le long de l’avenue Raymond-Dugrand. Cette présence ancienne fait que de jeunes habitants des bidonvilles sont nés et ont commencé à grandir à Montpellier.