Catherine Vassaux : « la précarité empêche de se projeter hors du bidonville » La Marseillaise

Un reportage de Julie Chansel pour le Journal La Marseillaise sur notre projet d’amélioration des conditions de vie dans le bidonville de Zénith 2.

Julie Chansel / Occitanie / 25/03/2021 | 17h30

Le Zénith 2 est un des bidonvilles les plus anciens de la ville. 55 familles y habitent, certaines depuis sa création, sous le mandat d’Hélène Mandroux en 2009. L’association de travail social Area et le collectif Quatorze, qui réunit des architectes et des urbanistes, y interviennent pour un projet-pilote de « sanitation », co-financé par la Fondation Abbé-Pierre et la mairie. Reportage.

La salle de concert est visible, mais nous sommes aux franges de la ville. Toujours sur le territoire de Montpellier, mais après le panneau qui l’annonce. Il n’y a aucune aménité, aucun service, aucun lien social possible avec l’extérieur.

Pour entrer dans le bidonville du Zénith 2 (il y en a 3), il faut traverser, comme on peut, le prolongement de l’avenue Albert Einstein. Une route bruyante et dangereuse. Après avoir dépassé de grandes bennes qui servent à stocker ordures et encombrants à l’entrée, on marche dans une voie de 180 mètres de long et 60 de large environ. Elle est bordée de maisonnettes, construites de bric et de broc, organisées en quartier familial, autour de petites places.

Peu d’habitants sont présents en journée, les adultes travaillent et les enfants, quand ils le peuvent, sont à l’école. “L’affectation scolaire est d’ailleurs un vrai problème” note Catherine Vassaux, directrice d’Area. L’association intervient sur ce terrain depuis 2016, “dans le cadre d’un projet d’accompagnement social et éducatif” (accès aux droits, une médiation santé et scolaire, un accompagnement vers l’emploi, vers l’hébergement et le logement). “Il y a des écoles plus proches, mais il n’y avait semble-t-il pas de places. Certains enfants, pour rejoindre le collège Pagnol où ils ont pu être inscrits, font 3 heures de transport en commun aller-retour, chaque jour”, souligne-t-elle.

Ce site, créé suite à l’expulsion de plusieurs bidonvilles de Port-Marianne en 2009, compte environ 55 ménages, soit 190 personnes, dont 47 enfants. “Les gens se sont “enkystés” dans le bidonville, qui abîme tout, le rapport à soi et à son corps, les relations intra-familiales, les relations entre la personne qui y habite et l’extérieur” indique Nancy Ottaviano, architecte, docteure en aménagement et urbanisme, membre de Quatorze, l’association qui co-pilote le projet avec Area. “La vie en bidonville a un impact très fort sur les personnes et avant d’intervenir, nous prenons le temps de les rencontrer, pour partir de leurs besoins.”

Un projet-pilote

Pendant deux semaines, les deux équipes ont établi un “diagnostic social et matériel” de ce corps social urbain abîmé qu’est le Zénith 2. Au quotidien, des entretiens ont eu lieu dans cet endroit isolé, où l’accès à l’eau – et son évacuation – est difficile, tout comme la collecte des ordures ménagères, les latrines sommaires qui empêchent toute intimité, l’électricité et l’isolation défaillantes qui font craindre des risques d’incendie, l’insalubrité qui crée des problèmes de santé. Les habitants doivent aussi faire avec les rats, qui “viennent manger la nourriture, pissent partout, empêchent les gens de dormir parce que chacun veille pour ne pas être mordu et pour protéger les enfants”, détaille Nancy Ottaviano. “Quand les conditions de vie sont si difficiles, aller à l’école ou à Pôle emploi, ça relève de l’héroïsme” insiste Catherine Vassaux. “C’est tellement précaire, que cela empêche les habitants de se projeter hors du quotidien du bidonville, pour aller dans un parcours d’insertion”.

Les deux associations ont monté ensemble un projet-pilote de “sanitation”, soit un budget de 77 000 euros, co-financé par la la Fondation Abbé Pierre et la Mairie de Montpellier, pour l’amélioration des conditions de vie, en assurant un accès à différents besoin essentiels : eau, hygiène, sanitaires, énergie, ramassage des déchets, etc. pour, à court terme, faciliter l’inclusion des personnes. “Un lieu de vie sain, sécurisant permet aux habitants de se projeter dans un futur hors du bidonville”, indique Catherine Vassaux.

Une co-construction

À plus long terme, les partenaires visent sa résorption, “à travers l’inclusion par le logement et le travail. Il ne s’agit en aucun cas de le pérenniser”. Pour Nancy Ottaviano, dont l’association promeut une “vision sociale et solidaire de l’architecture”, le travail nécessite une approche respectueuse, “pas un projet descendant, mais humble, en co-construction avec les personnes”, car elles ont des ressources et des compétences et mettent en place des choses – achat commun de générateurs, système de pompe pour avoir de l’eau, jardins potagers, etc. – qui peuvent servir de leviers d’action. La dynamique de groupe soulignée doit être renforcée, car les habitants du Zénith 2 n’ont pas choisi d’y vivre ensemble et le lieu s’est construit sur des parcours migratoires disparates. Area et Quatorze ont observé des conflits dans les ménages, où la place de chacun n’est pas très claire, des difficultés à prioriser ou à avoir un comportement socialement adapté, des violences intra-familiales et des addictions diverses. “Les habitants des autres bidonvilles disent qu’ici, des comportements qui seraient sanctionnés ailleurs sont tolérés. De tous les bidonvilles de Montpellier, le Zénith 2 est le plus compliqué” relève Catherine Vassaux.

En septembre 2021, une fois les données analysées, les propositions faites aux habitants – sur la base de leurs besoins et amendées par eux en groupes de travail – devraient pouvoir être mises en œuvre.