A lire dans les Cahiers de l’Atelier, un article sur l’action d’AREA à Montpellier. Interview de Catherine Vassaux, directrice de l’association AREA.
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AREA (Association recherche éducation action) est une association qui intervient sur les bidonvilles de l’Hérault. Son positionnement est un peu particulier, car elle est financée par l’État, tout en conservant son indépendance et en adoptant un positionnement clairement militant.
Interview de Catherine Vassaux, directrice de l’association AREA
Nos actions
L’objet principal de notre association est la lutte contre les inégalités et l’exclusion, avec l’apport des sciences humaines, en particulier de la sociologie. Nous sommes notamment à l’origine d’une étude consacrée à la manière dont les Montpelliérains perçoivent les personnes identifiées comme « Roms ». Elle a livré des résultats intéressants, et qui tranchent avec le discours le plus relayé par les médias. En l’occurrence, nous avons mis en évidence que les personnes qui se disent favorables à l’expulsion des Roms sont en réalités très minoritaires (10 % des habitants de Montpellier).
Mais l’association AREA est une association de terrain, qui mobilise quatre travailleurs sociaux, un service civique, et une dizaine de bénévoles. Nous travaillons avec les institutions, nous portons l’observatoire départemental des bidonvilles de l’Hérault, et participons à la coordination associative des différentes associations qui interviennent sur les bidonvilles du département.
Concrètement, notre action est consacrée à trois bidonvilles Montpelliérains, mais nous travaillons également en partenariat avec d’autres associations (dont la Cimade) sur les questions relatives à la santé notamment.
Nous assurons, auprès des personnes qui vivent dans ces bidonvilles, un accompagnement social global, avec pour fil directeur la perspective de l’insertion professionnelle. En effet, l’immense majorité d’entre elles (90 %) sont originaires de l’Union européenne, et ont donc accès au marché du travail. Le problème, c’est qu’au vu de l’accueil qui leur est réservé et des conditions dans lesquelles elles vivent, elles assimilent leur situation à celle de sans-papiers et agissent en fonction.
Dans l’Hérault, il faut tout de même noter une dynamique positive – bien que très insuffisante encore –, puisque les pouvoirs publics prennent en compte ces enjeux et assurent à ces personnes des possibilités d’accompagnement. Aussi, chaque bidonville a une association référente. Existent également un accompagnement en matière de santé que porte AREA, ainsi que la présence d’un médiateur scolaire de l’éducation Nationale. Enfin, à Montpellier, la logique à l’œuvre est celle de ne plus expulser sans que des solutions autres ne soient proposées.
Des freins encore nombreux
Néanmoins, des problèmes subsistent. Le premier d’entre eux, auquel il est indispensable de faire face, est bien sûr celui des conditions de vie.
Les personnes intègrent complètement leur manque de droits, alors que ces droits leurs sont consubstantiels
Nous nous heurtons également à des freins. En premier lieu, le fait – que j’évoquais – que les personnes intègrent complètement leur manque de droits, alors que ces droits leur sont consubstantiels. C’est un problème de légitimité, que nous travaillons à résoudre, en les informant de leurs droits et en les relégitimant grâce à l’accompagnement effectué par les travailleurs sociaux. On s’est par exemple rendu compte que, dans le tramway, la majeure partie des personnes que nous accompagnons ne s’asseyaient pas, et laissaient la place aux autres.
Il y a, par ailleurs, la portée symbolique du titre de séjour. Un autre exemple que je garde en mémoire est celui d’une personne qui, lorsqu’elle a trouvé du travail, s’est posé la question de son avenir (allait-elle rester ? où allait-elle habiter ?). Lorsqu’elle a obtenu son titre de séjour, en effet, sa réaction en venant nous voir a été de nous dire : « Maintenant, je suis libre ! »
À AREA, nous avons la chance d’avoir réussi à dépasser de nombreux freins administratifs ce qui nous permet de travailler davantage sur les freins internes aux personnes. Le problème majeur, réside en grande partie dans les préjugés que nous portons sur les habitants des bidonvilles.
Surmonter les obstacles, cela passe aussi par le vocabulaire. Par exemple, nous ne parlons pas de « camps de Roms », mais bien de « bidonvilles », d’autant que la majorité de ces personnes ne se revendiquent pas Roms. Ces personnes sont avant tout des précaires, comme les personnes qui vivaient dans les années 60 sur les bidonvilles de la banlieue parisienne. Vivre dans de telles conditions ne relève aucunement de la « culture ».
Cela passe aussi par un changement de regard. Aussi avons-nous organisé, l’an dernier, une exposition sur les bidonvilles à travers le prisme du travail de biffin (qui s’avère être extrêmement important puisqu’il n’est rien d’autre que de l’éco-recyclage).