Colloque de médiation sanitaire du 12/12/2016
Cet article est le compte-rendu de l’intervention d’AREA dans le cadre du Colloque du Programme National de Médiation Sanitaire organisé par l’ASAV le 12/12/2016.
- Présentation AREA
Notre association fait partie des nouvelles structures qui ont rejoint le programme de médiation sanitaire en janvier 2016, date à laquelle nous avons commencé notre action sur les bidonvilles de Montpellier. Le projet associatif d’AREA repose sur la lutte contre les inégalités sociales et l’exclusion et comporte un acte de réflexion appuyé sur les sciences sociales, notamment la sociologie.
Voici, à l’aulne de notre expérience comment nous utilisons l’outil d’ « aller-vers » dans le cadre de la médiation santé.
L’ « aller vers » est un mode de construction de la relation aux personnes désaffiliées fréquemment utilisé dans le travail social, en particulier dans le travail des éducateurs de rue. Il s ‘agit d’aller à la rencontre, généralement sur leur lieu de vie des personnes et ce alors qu’aucune demande particulière n’a été formulée. Cette posture étrange nécessite donc beaucoup humilité, de disponibilité et d’ écoute de la part de ceux qui vont chez des personnes sans y avoir été particulièrement invités et qui souhaitent faire émerger une demande et éventuellement l’accompagner.
L’aller-vers est un processus dynamique qui évolue de l’entrée en contact, l’établissement d’une relation et le déroulement de cette relation dans le temps.
Nous avons considéré 3 étapes à l’ »aller-vers »:
1. l’établissement d’une relation de confiance
2. vers une réciprocité de l’ « aller-vers »
3. l’autonomie dans l’accès aux droits relatifs à la santé
1. La rencontre : période d’observation et premiers entretiens
L’entrée en relation de l’équipe d’AREA était d’autant plus porteuse d’enjeux que nous souhaitions à la fois nous démarquer d’autres structures qui avait mené des « diagnostic s» dans le cadre de la circulaire du 26 août 2012 et à la fois recueillir relativement rapidement des données quantitatives et qualitatives et surtout d’entamer une relation qui puisse se traduire par un rapport de confiance qui autorise le travail social.
Nous avons donc commencé une période de 2 semaines d’observation sur les terrains, période où l’équipe a effectué des sorties quotidiennes à la rencontre des personnes. Il s’agissait de se présenter et présenter notre travail social à venir, de faire connaissance réciproquement, et de commencer à inscrire cette relation dans une durée puisque nous avons annoncé les entretiens pour la 3ème semaine. Cette rencontre « les mains vides » a aussi été un moyen de sortir d’une relation demande – réponse à la demande.
La période d’observation a été suivie d’une semaine où on été menés des entretiens semi-directifs avec pratiquement toutes les familles. Ils ont permis le recueil de données quantitatives sur la base du déclaratif (nb de domiciliations, AME, parcours migratoires, présence en France, connaissance des institutions, métier et scolarisation des parents) mais surtout de prendre connaissance des attentes des personnes, de leurs ressources éventuelles et d’entamer une conversation.
A dessein, nous avons glissé des questions permettant de s’exprimer en dehors des problématiques relatives au parcours migratoire et la vie sur un Platz : la question « où avez-vous rencontré votre compagnon/compagne ?» a permis le recueil de nombreuses histoires d’amour, et de détendre le cadre formel d’un entretien.
Pour l’équipe, cette entrée en relation a permis d’objectiver le lieu d’intervention en prenant du recul (par production de statistiques, démonter idées reçues) Pour les habitants des bidonvilles ces entretiens ont constitué une première étape importante dans l’établissement d’une relation de confiance .
2. Vers la mise en place d’un « aller-vers » réciproque
Le contact avec les habitants des bidonvilles est maintenu via une présence de « lien social » au minimum hebdomadaire. Il s’agit d’un moment de discution informelle, de rencontres avec de nouvelles personnes.
Cette présence sur site est aussi nécessaire pour une compréhension de son fonctionnement, au -delà des personnes qui sollicitent l’équipe : Quelles sont les relations entre les familles ? Quels sont les rapports de force ? Ces éléments se retrouvent généralement dans la construction spatiale du Platz. Cette présence permet aussi d’avoir une visibilité de l’évolution des conditions de vie.
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Un travail en équipe
Le projet bidonvilles d’AREA est un projet d’accompagnement global des personnes vivant en bidonvilles, dont la médiation santé est l’un des axes. Les travailleurs sociaux d’AREA accompagnent aussi vers l’insertion sociale et professionnelle, vers le logement ou sur des problématiques socio-éducatives.
Ce travail en équipe est essentiel pour la médiation santé portée par AREA : le travail sur la santé est toujours mené en relation avec le travail social, et sur de nombreuses situations la médiatrice santé travaille en co-référence avec un travailleur social, que cela soit un collègue d’AREA, une médiatrice sociale de la Cimade ou un professionnel du Conseil Départemental . Cette organisation du travail permet à la médiatrice santé de toucher potentiellement 500 personnes sur 6 sites.
Par ailleurs, les problématiques de santé sont toujours inscrites dans un contexte social : en effet, comment intervenir sur une grossesses précoces sans prendre en compte la situation familiale, économique… ? Le groupe est un élément contextuel : dans le cadre du travail social c’est à l’individu que nous nous adressons.
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Les accompagnements physiques
L’objectif de la médiation santé est d’arriver à une autonomie des personnes dans l’exercice de leurs droits relatifs à la santé. Cela nécessite pour elles de sortir du bidonville et d’identifier les institutions et leur fonctionnement. La médiation santé accompagne cet apprentissage de l’auto-gestion : physiquement puis en s’effaçant au fur et à mesure que l’assurance s’acquierre.
Cet apprentissage par l’accompagnement physique est toujours trop chronophage à nos yeux, mais il est nécessaire puisqu’il permet :
– une concrétisation et stabilisation de la relation de confiance qui ne peut passer qu’à travers un rapport individuel , même si ce rapport individuel positif peut ensuite être médiatisé aux autres habitants du bidonville. Cette confiance permet la constitution d’un cadre sécurisant pour des personnes dont le quotidien est marqué par la précarité.
– la réciprocité possible de l’aller-vers. Vers l’institution mais aussi dans les locaux de l’association. Venir voir les TS dans leur local créé un équilibre dans la relation, une certaine réciprocité, que le café va venir « consacrer »
Par rapport aux partenaires :
– Créer un réseau de professionnels mobilisables,
– Rassurer les partenaires, qui savent qu’en cas de problèmes ils auront un interlocuteur
– identifier les problèmes et envisager des moyens de résolution
3. Accompagner l’émancipation
L’Aller-vers est un outil d’éducation populaire : il s’agit d’informer et de rendre accessible leurs droits à des personnes désaffiliées . Écouter ce qui entrave leur exercice pour que la médiation puisse ensuite faire le lien avec l’institution et permettre une évolution des pratiques à moyen ou long terme.
En effet, la médiation santé s’exprime dans une triple temporalité :
– Le temps long de la transmission générationnelle, où transparait l’appartenance sociale, l’origine culturelle ou l’histoire familiale… C’est sur ce temps là que nous cherchons à agir par nos actions collectives
– Le temps individuel, où le parcours de la personne contribue à le construire (parcours scolaire, dans la famille, le milieu professionnel). Ce le temps dans lequel s’inscrit la relation de confiance construite avec un travailleur social qui va être un des éléments permettant à l’individu de s’émanciper.
– Le temps de la réalité contextuelle : milieu de vie à un moment donné, capacité à agir/réagir, accès aux droits…. Ce sera le temps de l’urgence.
Plus d’infos sur le site du Programme National de Médiation Sanitaire : https://www.mediation-sanitaire.org/